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Que faire quand une administration refuse de payer ses factures ?

Alors que la commande publique représente pour certaines sociétés une part importante de leur activité, l’État et les collectivités territoriales sont parfois pointés du doigt pour d’importants retards de paiement. Dans de tels cas, les sociétés concernées opteront pour une procédure de médiation. En revanche, face à des personnes publiques visiblement de mauvaise foi, la procédure juridictionnelle sera plus adaptée.

UNE PROCÉDURE JURIDICTIONNELLE
EN DERNIER RECOURS

Si elle désire s’engager sur la voie judiciaire, la société contractée par l’administration devra préalablement formuler une réclamation financière dont le régime juridique est fixé par les cahiers des clauses administratives générales. Sur la base de la réponse négative (ou de l’absence de réponse) de l’administration, la société pourra saisir le tribunal administratif du lieu d’exécution du contrat. La procédure la plus adaptée au paiement des sommes dues est le référé-provision, prévu à l’article R.541-1 du Code de justice administrative. Il suffira à la société requérante de prouver l’existence d’une « obligation non sérieusement contestable » de la part de l’administration. Ce référé n’est pas soumis à la classique condition d’urgence ni au dépôt d’une requête au fond. Le juge se prononce dans les quelques mois, en fonction de l’encombrement du rôle.

Toutefois, ce processus peut s’avérer long, onéreux et possiblement inefficace, voire néfaste avec une personne publique de mauvaise foi. Au titre de l’article R.431-2 du Code de justice administrative, la requête devra être présentée par un avocat. De plus, la société lésée prendra en compte le coût économique futur d’une telle procédure. Assurément, l’engagement d’une procédure contentieuse rompt définitivement le lien de confiance qui pouvait exister entre les deux parties. Or, il est dans l’intérêt d’une société dépendante de la commande publique d’entretenir de bonnes relations avec les acheteurs publics. Cette procédure est également longue si l’on tient compte du délai de la phase réclamatoire, additionné à celui de l’instruction et de jugement.

Et la décision obtenue peut être insatisfaisante. Le but du référé-provision est d’accorder une provision sur une créance certaine, et non sur le montant total de la créance. Le montant de la provision est fixé par le juge et peut ne pas couvrir la totalité de la somme due. En outre, si l’administration est de mauvaise foi, il est possible qu’elle n’exécute pas la décision du juge des référés. Une demande de mandatement d’office adressée au préfet permettra certes, d’obliger l’administration à payer, mais ce mandatement n’a rien d’automatique.

Pour toutes ces raisons, lorsqu’il estime que l’administration n’est manifestement pas de bonne foi, son cocontractant privilégiera la logique de la médiation, récemment encouragée par le législateur et le gouvernement.

LA LOGIQUE DE MÉDIATION
À PRIVILÉGIER

Les conflits sont plus complexes que leur simple « habillage » juridique et leurs causes, souvent méconnues par les parties en litige : peut-être l’administration ne paie-t-elle pas parce qu’elle ne le peut tout simplement pas ? Ou est-elle insatisfaite de l’exécution du contrat ?

La médiation, contrairement à la procédure juridictionnelle vise à favoriser le dialogue et invite les parties à une compréhension mutuelle. C’est un mode alternatif de résolution des litiges dont la logique est simple : les parties en conflit se réunissent en présence d’un tiers neutre, le médiateur, qui a pour but de favoriser le dialogue. Des pourparlers s’entament et le médiateur encourage les parties à opérer des concessions réciproques. Une fois le conflit apaisé et les concessions opérées, une transaction formalise les nouvelles obligations des deux parties. La médiation a récemment fait l’objet d’une importante évolution législative. La loi J21, du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice, a créé une procédure de médiation précontentieuse appropriée au règlement des litiges relatifs à l’exécution des contrats administratifs. L’article L.213-5 du Code de justice administrative prévoit que « les parties peuvent, en dehors de toute procédure juridictionnelle, organiser une mission de médiation et désigner la ou les personnes qui en sont chargées ». 

Pour permettre à cette disposition d’avoir le plus d’impact possible dans le cadre des relations entre les administrations et les entreprises, le décret n° 2018-919 du 26 octobre 2018 (loi Essoc du 10 août 2018) précise les modalités de la nouvelle structure expérimentale capable d’opérer cette médiation : le médiateur des entreprises voit son rôle étendu. Il s’agit en réalité d’un service composé de médiateurs répartis sur tout le territoire. Ils peuvent être saisis par toute entreprise en remplissant un simple formulaire, disponible sur le site Internet du ministère de l’Économie. La médiation se déroule, ensuite, selon les règles prévues par le Code de justice administrative.

DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL

Cependant, ce dispositif n’est qu’une expérimentation, menée pour trois ans, applicable aux contrats exécutés dans quatre régions (Centre-Val de Loire, Grand-Est, Normandie et Provence-Alpes-Côte-d’Azur) et concernant les secteurs d’activité de la construction, de l’industrie manufacturière et de l’information et la communication. Eu égard aux spécificités de la commande publique gageons que cette expérimentation soit concluante et que le dispositif soit étendu à toute la France et à tous les secteurs.