Couverture du journal du 06/04/2024 Le nouveau magazine

Entreprise : gérer l’hibernation et préparer le rebond

Panorama des solutions existantes et des bonnes pratiques à privilégier durant la période de stop-and-go liée à la crise économique générée par le Covid-19.

Force est de constater que les entreprises françaises sont touchées de plein fouet par une dépression économique mondiale résultant de la plus importante crise sanitaire de ces 100 dernières années. Cet épisode révèle à quel point nous sommes tous interdépendants, observe Philippe Lafargue, président du groupe Exco Fiduciaire du Sud-Ouest. Nous trouverons une issue constructive et vertueuse si chacun d’entre nous, à notre niveau, intégrons à notre stratégie de reprise une volonté de création d’impact positif pour chacune de nos parties prenantes : les collaborateurs, les clients, les fournisseurs, les territoires, les citoyens, l’environnement. Auparavant, pour beaucoup d’activités, il faut survivre ». « Devant cette urgence du quotidien et face aux nombreux dispositifs de soutien créés par l’exécutif, l’accompagnement effectué par nos équipes ambitionne d’anticiper, puis de répondre aux trois étapes que les entreprises françaises seront amenées à traverser dans les prochains mois », ajoute Jean-Christophe Dalis, expert-comptable associé sur la côte sud des landes. 

 

Phase 1 / L’arrêt ou le ralentissement de l’activité : préparer et organiser l’entreprise 

Cette phase, maintenant engagée depuis plus d’un mois, poursuivait l’objectif de pouvoir répondre à l’adaptation de la situation des actifs confrontés à la baisse, voire à l’arrêt de leurs activités ou à celles des autres acteurs de leur écosystème (fermeture des écoles par exemple).
Les mesures mises en place, dont il convient de bien valider le cadre d’application avant de s’en emparer, sont aujourd’hui connues à défaut d’être toujours totalement maîtrisées :

  • L’arrêt de travail garde d’enfant de moins de 16 ans. Ce dispositif permet de rendre possible la gestion des enfants et l’équilibre au sein du groupe familial. Cette mesure, s’adressant tout autant aux salariés qu’aux Travailleurs non salariés (TNS), a par ailleurs été aménagée au 1er mai avec un rebasculement vers le dispositif d’activité partielle pour les salariés. Les TNS devraient, quant à eux, pouvoir continuer à en bénéficier.
  • L’activité partielle pour les entreprises, en guise de réponse aux fermetures administratives, aux fermetures de chantiers, à une baisse drastique des carnets de commandes ou des approvisionnements. 

À cela s’ajoutaient des mesures d’urgence de préservation de la trésorerie, par le report facilité d’échéances fiscales ou sociales (Urssaf, retraite, prélèvement à la source), afin de ne pas dégrader la trésorerie existante des entreprises. 

Nos observations « Terrain » 
La mise en place de l’activité partielle dans un contexte inédit a pu créer des difficultés d’interprétation pour les dirigeant(e)s d’entreprises. Certains métiers ou secteurs non touchés par les mesures de fermeture administrative ont pu tarder à utiliser ce levier, pensant qu’elles n’étaient pas ou ne sont pas concernées. Or, elles peuvent étudier ce dispositif en analysant un certain nombre de conditions de recours (baisse d’activité, difficulté d’approvisionnement, absentéisme important…).

Conseils d’expert
L’activité partielle se veut une mesure d’une grande souplesse dont la mise en pratique peut s’avérer parfois complexe. Elle s’adresse tout autant aux fermetures intégrales d’entreprises qu’aux réductions d’horaires pour tout ou partie d’un établissement. Elle peut être mise en œuvre en complémentarité avec la mise en place d’actions de formation auprès de salariés, ou encore, en complément du recours aux congés payés acquis. Une vigilance particulière devra néanmoins être apportée aux situations mixant plusieurs solutions, par exemple la situation de télétravail complétée par des heures d’activité partielle. Les heures travaillées devront faire l’objet d’un suivi rigoureux pour assurer de bonnes conditions d’exécution en limitant les risques de remise en cause.

 

Phase 2 / La mise en hibernation de l’entreprise : rationnaliser l’utilisation de la trésorerie en période de sous-activité et sauvegarder le crédit inter-entreprises

Une fois le ralentissement de l’activité digéré, les entreprises françaises ont été confrontées à une expérience inédite : la mise en hibernation. Le défi à ce stade est de surveiller le cash, qui, en contexte d’arrêt ou ralentissement d’activité, se consomme très vite. L’activité est dans une forme de coma, la trésorerie fait office de respirateur.
Cette phase, essentielle dans la préparation à la reprise de l’activité, va consister à adapter le volume de ses décaissements, sans négliger de continuer à encaisser ses créances clients ; exercice difficile actuellement. Pour ce faire, les entreprises françaises peuvent s’appuyer sur les leviers suivants : réduction des frais généraux lorsque cela est possible, recours dans les conditions fixées par décret au fonds de solidarité pour les plus petites entreprises, mise en place facilitée de reports d’échéances d’emprunts professionnels, de reports de loyers ou même de factures d’électricité et de gaz dans certains cas. À cela s’ajoute le dispositif « d’indemnité de perte de gains », mis en place fin avril 2020, par les services de l’Urssaf, pour certains artisans et commerçants.
La mise en place d’un prêt garanti par l’état (PGE) permet également d’accompagner la sauvegarde de la trésorerie de l’entreprise en période de sous-activité. Ce prêt, pouvant aller jusqu’à 25 % du chiffre d’affaires, mais qui mérite un calibrage du besoin plus précis que ce simple indicateur, est destiné à financer les charges fixes en période d’atonie, voire d’absence de chiffre d’affaires. La finalité globale affichée est de garantir le paiement régulier des dettes inter-entreprises (fournisseurs notamment) durant la période de confinement. Pour Jean-Christophe Dalis, l’objectif « c’est de donner aux entreprises les moyens financiers de payer leurs charges courantes. Il est plus que jamais nécessaire de rappeler le rôle de chaque acteur économique et de faire en sorte que les clients des entreprises françaises puissent honorer leurs factures dans les délais légaux ; le tout afin d’éviter autant que possible des défaillances en chaîne sur une filière ou sur une zone économique ». Et Philippe Lafargue d’ajouter : « Chaque client, particulier ou professionnel, devrait, en responsabilité et dans la mesure de ses possibilités du moment, clairement se positionner dans cette perspective vitale pour l’écosystème auquel il appartient ».

Nos observations « Terrain » 
Nous sommes au cœur d’une période d’incertitude inédite. Solliciter le montant maximum du PGE (25 % du chiffre d’affaires) est une tentation, voire un réflexe de survie légitime que nous observons sur le terrain auprès des chef(fe)s d’entreprises. Cette action peut néanmoins s’avérer incertaine dans quelques mois si l’entreprise n’a pas la capacité de remboursement suffisante. 

Conseils d’expert 
Solliciter le « juste » montant du PGE tenant compte des besoins de financement réels de l’entreprise et de la finalité du PGE : financer les charges fixes en l’absence de chiffre d’affaires pendant cette période dans l’optique d’un paiement régulier des dettes inter-entreprises.
La mise en perspective de la capacité d’endettement maximale de l’entreprise est également recommandée, pour mesurer les marges de manœuvre lors de la phase d’investissement et de nouveaux projets.
Veiller à la coordination fine des trois leviers évoqués : ajustement des frais de fonctionnement, utilisation des mesures financières de report d’échéances et de new cash (PGE), puis adaptation de l’activité partielle aux besoins de l’entreprise. En tout état de cause, le seul recours au PGE ne saurait le plus souvent constituer une solution isolée, ce dernier n’étant pas une subvention, mais un prêt qui devra faire l’objet d’un remboursement sur une durée d’un à cinq ans. 

 

Phase 3 / la préparation à la reprise : optimiser le STOP-AND-GO

L’ensemble des mesures de soutien à l’économie tente de « garantir » la mise sous cloche des entreprises françaises afin de leur donner le temps nécessaire et la trésorerie adéquate pour s’adapter. Le but ultime de cette stratégie, celle qui doit concentrer tous les efforts, réside dans la préparation des entreprises à la reprise économique : le stop-and-go. Cette phase est de loin la plus délicate car elle intègre des paramètres inconnus que sont les délais de sortie de crise (au-delà de la période de confinement) et l’intensité de la reprise économique. Les entreprises françaises pourront ainsi travailler à l’élaboration de scénarios de reprise. On peut, par exemple, tester des scénarios militants pour une pandémie maîtrisée (masques, tests suffisants, vaccins…), avec un retour à la normale début 2021, d’autres scénarios plus pessimistes avec un rebond plus tardif, jusqu’en 2023 selon les activités et bassins économiques. Ces hypothèses peuvent prendre la forme de stress tests modélisés au sein d’un business plan. Ce travail pourrait se révéler fort utile pour : 
– Déterminer en face de chaque scénario, les priorités d’actions à mettre en œuvre.
– Financer les besoins de trésorerie générés par la phase de reprise économique (financement d’une sous-activité liée à une reprise atone ou financement du besoin en fonds de roulement (BFR) en phase de relance). 

Nos observations « Terrain » 
Ce contexte bouleverse les repères des entreprises. Le coronavirus instaure une nouvelle ère dans le monde de la gestion de crises. Les recettes « en mode prévisible » ne fonctionnent plus. La question que nous nous posons en tant que chef(fe) d’entreprise : « Comment je peux augmenter les capacités de mon entreprise à faire face à la situation, tout en découvrant une nouvelle réalité chaque jour ? ».
Sans oublier, la considération pour les différentes parties prenantes qui doit être intégrée dans un esprit gagnant/gagnant et de co-construction avec ses clients, ses fournisseurs, ses collaborateurs. Objectif : Encourager un cercle vertueux entre les acteurs, favoriser la reconstruction dans la confiance.

Conseils d’expert 
1. Bâtir un plan d’action, se fixer des priorités 
Compte tenu des incertitudes qui pèsent sur la phase de reprise (dynamisme de la demande, risques de ruptures d’approvisionnement…), il peut être opportun de mettre à profit le temps d’hibernation pour prendre des mesures immédiates dès la reprise d’activité.
– Protéger, rassurer, mobiliser les collaborateurs (écoute, transparence, co-construction des actions…).
– Étudier des circuits d’approvisionnements ou de distributions secondaires susceptibles de venir en appui des canaux historiques.
– Revoir l’organisation du travail et s’assurer que les capacités productives soient optimales en phase de reprise (optimisation du temps de travail, utilisation éventuelle d’une quote-part de congés payés en phase d’hibernation conformément à l’ordonnance 2020-323 du 25/03/2020).
– Préserver une capacité d’endettement pour accompagner les besoins financiers en phase de reprise (BFR, sous-activité en cas de reprise atone).
– Bâtir son plan marketing et commercial : prioriser les clients et actualiser leurs attentes, adapter les offres et le circuit de distribution.
– Communiquer régulièrement avec ses parties prenantes (salariés, clients, fournisseurs, actionnaires…).

2. Constituer en fonction de la taille de l’entreprise une cellule de crise, composée de profils variés, qui observe, anticipe, aiguille, coordonne (pour les plus petites entités, le recours à des profils extérieurs est encouragé pour soutenir et challenger le/la dirigeant(e)).

3. Adopter quelques « nouveaux » principes et mettre en place les usages de bon sens
– Viser dans les plans d’action une version évolutive, estampillée « meilleure vision à ce jour ». C’est important pour apprendre et s’adapter dans une situation en mutation rapide.
– S’inscrire dans le temps : le tempo est important, séquencer les projets en fonction de leur degré d’importance/d’urgence.
– Accepter que tout ne se passera pas comme prévu, apprendre à chaque étape (encore plus que d’habitude).
– Soutenir ses clients, ses partenaires, son territoire, son système social pour favoriser des relations durables basées sur la bienveillance et la confiance. 

 

« Le caractère singulier de cette situation, associé à un risque systémique, encourage les chef(fe)s d’entreprises que nous sommes à faire preuve de courage, de pragmatisme, de coopération (comme toujours !), observe Philippe Lafargue. Passé ce cap nous pourrons collectivement nous interroger, compte tenu du bouleversement que cet épisode engendre, sur le sens à donner à chacune de nos entreprises : notre raison d’être. À quoi voulons nous contribuer ? À quel modèle économique et de société ? ».

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